« On lutte contre le système patriarcal mais on a l’impression qu’on en verra jamais le bout » : Entretien avec Anne Mikolajczak, Maire adjointe à Lille (2/2)

Anne Mikolajczak, maire adjointe à la mairie de Lille en fin de mandat (crédit photo : Léa Bouquet)

C’est à la fin de son mandat d’adjointe à la Maire de Lille, chargée de la délégation à l’égalité entre les hommes et les femmes et aux politiques vélo, que nous avons rencontré Anne Mikolajczak. Du plan d’égalité femmes-hommes aux aménagements cyclables, cette élue Europe Ecologie Les Verts (EELV) sait faire entendre sa voix et ne manque pas de détermination. Elle revient pour nous sur son parcours, ses actions menées pour les femmes au sein de la ville de Lille et sur des questions bien plus profondes comme le masculinisme.

Née en 1964 en Allemagne, Anne Mikolajczak revient à Lille après le bac, la carrière militaire de son papa obligeant. Elle s’inscrit en faculté de mathématiques et de psychologie. Titulaire de deux licences, cette acharnée du travail devient professeur de mathématiques remplaçante, puis rapidement conseillère d’orientation psychologue. Elle travaille actuellement au Centre d’Information et d’orientation (CIO) de Lille.

« Je ne lâche rien ou peu de choses »

L’engagement politique d’Anne Mikolajczak ne date pas d’hier : du scoutisme à l’adolescence, aux mouvements étudiants et au syndicalisme jusqu’à son entrée au parti Europe Ecologie Les Verts (EELV) et à la mairie de Lille. Car oui, selon elle, « le monde associatif est éminemment politique ». Mère de jumeaux, son premier combat s’impose dès la maternelle lorsqu’elle intègre la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves (FCPE). « C’était contre une suppression de poste si je me souviens bien », précise-t-elle. D’échelon en échelon, elle se fait sa place dans de grandes structures. Elle préside actuellement la FCPE Nord qui comprend plus de 20 000 adhérents et dirige une équipe de rugby féminin, avec la conviction particulière de « réunir le sport et les femmes ».

Lorsqu’on lui demande pourquoi s’être engagée particulièrement dans l’égalité Femmes-Hommes cette dernière nous répond que cette question l’a toujours interpellée et que c’est en étant militant que l’on peut porter des causes. « Et je ne lâche rien ou peu de choses », ajoute-t-elle.  

Ses actions pour les femmes… mais pas seulement

Anne Mikolajczak est l’artisan principal de la réécriture du plan d’égalité Femmes-Hommes de Lille, crée en 2010 et repensé en 2017. « Avant, ce n’était que des fiches d’actions, des indications. J’ai voulu lui donner de l’efficacité et de l’application réelle », nous explique-t-elle. Ce plan a été totalement co-construit avec des associations, des professionnels de la santé pour aboutir à des mesures concrètes et applicables sur le long terme. Comme mesures, on peut citer le Guide Violences, le Répertoire Droits des femmes, des stages de self-défense et d’autodéfense verbale, une journée « matrimoine » … mais la plus grande implication de l’Adjointe au Maire a été la création à Lille des marches exploratoires.

Quèsaco ? Ce sont des marches composées uniquement de femmes et dont le but est de marcher dans des quartiers dits « sensibles » ou du moins évités par les femmes afin de redéfinir l’espace public. « On dirait que la ville est faite pour les hommes ! Je la vis beaucoup à vélo ou à pied, et dans certains quartiers, dehors, on ne voit que des hommes, sur les places, dans les parcs, aux bouches de métro… Les femmes, elles, sont en mouvement. Comment construire une ville qui laisse une place aux femmes, une ville où elles se sentent libres de se poser, en sécurité ? La cité est pour tout le monde, on est des êtres sociaux », insiste-t-elle.

« C’est un travail de grande haleine sur l’éducation générale qu’il faut refaire, il faut que les hommes acceptent à un moment qu’ils n’ont pas le monopole du pouvoir »

C’est ainsi qu’est venue l’idée à Anne Mikolajczak de donner la parole à ces femmes et uniquement des femmes. Puisque la parole de ces dernières n’est en effet pas la même lorsqu’elles sont qu’entre femmes et lorsqu’il y a des hommes, ajoute l’Adjointe. Grâce à ces marches, des bancs et des éclairages publics ont été ajoutés à certains quartiers redonnant de la confiance aux femmes.

Anne Mikolajczak a également fait tout un travail en interne au sein de la mairie ; comme par exemple une campagne d’affichage contre le sexisme au travail ou encore la mise en place d’une cellule d’écoute. Malgré son investissement à 100% dans sa délégation à l’égalité Femmes-Hommes, cette bosseuse ne délaisse pas sa délégation aux politiques vélo et pédale à grande vitesse pour une « Lille Verte ». Elle multiplie notamment les arceaux à vélo, « véritable outil d’émancipation pour les femmes pour éviter de se faire embêter », rit-elle. Elle augmente également les aménagements cyclables et met en place des bornes de réparateur de vélos. What else ? Pourrait se demander à juste titre George Clooney.

La question du « masculinisme »

A la fin de notre rencontre, Anne Mikolajczak aborde un sujet sur lequel il faudrait s’attarder selon elle : le masculinisme. « On lutte contre le système patriarcal mais on a l’impression qu’on en verra jamais le bout, déplore-t-elle. C’est un travail énorme ». Selon elle, il ne suffirait plus seulement d’accompagner les petites filles mais également de faire un véritable travail avec les petits garçons et les encourager à aller vers des métiers éducatifs. Aujourd’hui, il est plus difficile pour un homme de devenir puéricultrice ou assistance maternelle qu’une femme de devenir ingénieure. « C’est un travail de grande haleine sur l’éducation générale qu’il faut refaire, il faut que les hommes acceptent à un moment qu’ils n’ont pas le monopole du pouvoir ».

Léa Bouquet

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