Elle nous montre sa culotte !

Géraldine Galvis, styliste et designer pleine d’énergie, saute de bar en bar pour nous montrer… sa culotte menstruelle ! Elle participe à un concours en ligne qui, si elle gagne, lui permettra de payer un an de traitement cardiaque à son père, vivant au Venezuela.

Les éclats de rire, le chant et la danse envahissent la pièce. Dans ce bar tout en longueur du Vieux-Lille, nous buvons un verre avec quelques amis. Lorsque la chanson s’arrête, quelqu’un prend la parole, Géraldine nous parle de son projet : gagner le concours Textile Addict afin de soutenir sa famille au Venezuela. C’est le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, que nous nous rencontrons pour cette interview. Journée idéale pour Géraldine qui, comme son modèle Diana Sierra, veut que les femmes soient fières de leurs règles et plus encore, qu’elles n’abandonnent jamais.

Arrivée en France en 2015, elle décide de se reconvertir après une période un peu difficile. Géraldine a toujours aimé la couture, le dessin, le domaine créatif. Pour elle, c’est le moment ! Au Venezuela, elle avait fait des études d’administration en entreprise, en France, deux choix s’offraient à elle : recommencer ses études de zéro car celles-ci n’étaient pas reconnues, ou se réorienter. « Si je dois passer deux ans ou trois ans à refaire ce que j’ai déjà fait, autant faire quelque chose que j’aime ». C’est décidé, elle fait donc ses études au SupdeMod de Lyon, où elle obtient en 2019, major de promo, son diplôme de styliste-modéliste. Ce travail, il lui tient beaucoup à cœur, et elle transmet cette passion dans les motifs qu’elle crée : « Je m’amuse beaucoup, parfois je cadre des choses de mon pays, je raconte des histoires ». Les motifs tropicaux restent ses préférés, après tout, ils lui rappellent son pays d’origine au climat chaud et humide, ses plages et ses forêts.

Ce concours, il est fait pour elle. La plateforme Textile Addict organise chaque année un concours* et cette année, c’est en partenariat avec la marque de culotte menstruelle Chérie Louve qu’il est organisé. Le but ? Créer un motif pour une culotte menstruelle avec le thème « j’aime et j’assume mes règles ». Ni une ni deux, Géraldine saute sur l’occasion, elle est dans son élément. Sur sa culotte, on observe différents motifs : des références à Diana Sierra, l’inventrice de la première culotte menstruelle, des portraits de femmes ougandaises, le pays qui a donné à Diana Sierra l’idée d’une protection hygiénique, des fleurs ougandaises qui récupèrent l’eau de pluie à la manière d’une cup qui récupère le sang. Tous ces motifs sont présents sur la culotte de Géraldine qu’elle nomme « Inspiré », tout autant qu’elle. Inspirée, et motivée, car si elle remporte l’un des prix, dont la somme s’élève de 500 à 1 000 euros, elle sera en mesure de payer environ un an de traitement cardiaque à son père. « Au Venezuela, un salaire minimum, c’est environ 25 dollars par mois, ma famille attend que ce soit moi qui les aide, leur situation là-bas est très compliquée ». Ce n’est pas seulement la situation actuelle au Venezuela ou sa dévotion pour sa famille qui la pousse à se présenter à ce concours, mais aussi un parcours beaucoup plus dramatique.

« En fait, je n’ai pas vécu avec mon père »

Ses parents partent pour la capitale afin de trouver du travail. Géraldine naît là-bas, ils habitent dans les favelas et vivent du peu qu’ils ont. En 1989, c’est l’explosion sociale, le Caracazo. Les habitants s’arment, il y a des émeutes, l’armée répond de plus belle, on estime le nombre de morts à environ 3 000. Lorsque les émeutes prennent trop d’ampleur, sa mère prend une décision.

« Ma mère a dû fuir avec nous, mes sœurs et moi. Mon père avait un taxi et travaillait à ce moment-là, à l’époque il n’y avait pas de portables, donc aucun moyen de le contacter. Nous avons fui avec un oncle à la frontière de la Colombie, ma mère a perdu le contact avec mon père. Quelques années plus tard, ma mère l’a retrouvé, mais il avait fondé une autre famille. Elle est tombée dans une situation de précarité bien pire qu’avant et a perdu le droit de nous élever. Alors c’est ma grand-mère paternelle qui nous a récupérées et nous a emmenées dans son petit village pour y vivre. En fait, je n’ai pas vécu avec mon père, car nous ne vivions pas au même endroit et il avait aussi son autre famille. Depuis ce temps-là je me suis promis qu’il fallait aider mes parents, si je ne vivais pas avec eux à cause de la pauvreté, je devais faire des études pour que ce soit possible. »

Géraldine fait donc des études, elle travaille, puis en venant en vacances en France, elle rencontre son ex-mari. Elle l’épouse peu de temps après, mais au bout de quelques mois, ils divorcent, « à un moment donné, je me suis retrouvée sans papiers, j’ai eu le temps de réfléchir à ce que j’allais faire », la famille de son ex-mari avec qui ils restent en très bons termes l’héberge et l’aide du mieux qu’ils peuvent. « Toute cette douleur dans le divorce, je l’ai convertie », c’est là qu’elle se reconvertit et se tourne vers l’une de ses passions : l’art.

Aujourd’hui, Géraldine est donc styliste à Lille, vit de sa passion, et va de bars en bars pour engager les gens à voter pour sa culotte menstruelle ! Les résultats arrivent le 21 mars. En attendant, elle affiche un grand sourire « au Venezuela, même quand c’est difficile, on a beaucoup d’humour, on rigole ! »

*Le concours se déroulait du 13 février au 10 mars, les résultats sont disponibles depuis le 21 mars sur la page du site dédié.

Ysé Himy–Hoffschir

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