Archives du mot-clé La Méandre

Série. Les femmes dans le drag : une déconstruction des clichés Portrait de La Méandre (2/4)

La Méandre au grand Bal des Fiertés, juillet 2019. © Jean Ranobrac

Véritable poupée vivante, La Méandre a fait ses débuts à Paris avant de s’installer à Lille. Discrète et élégante, elle observe tout de ses grands yeux aux cils démesurés. Elle nous parle de ses expériences, de ses inspirations, et de l’impact du drag sur sa vie.

Aux origines de son compte Instagram, des dessins de queens, toutes issues des dernières saisons de RuPaul’s Drag Race. La Méandre a, comme beaucoup, découvert le drag à travers ce show télévisé. Un premier contact, certes. Mais elle admet: “si je ne m’étais contentée que de l’émission, JAMAIS je n’aurais fait de drag. J’étais persuadée que cet art était réservé aux hommes cisgenres (merci Mama Ru)”. En effet, l’émission est vivement critiquée pour son manque de représentation, notamment vis-à-vis des artistes femmes, non-binaires et transgenres (polémique qui a été ravivée par l’annonce de la Saison 12, NDLR).

Un nouveau monde

C’est en s’intéressant à la scène parisienne qu’elle découvre un tout nouveau monde, bien plus varié: “des drag kings, des drags queens poilues, barbues, etc.“.

“Si je ne m’étais contentée que de l’émission, JAMAIS je n’aurais fait de drag. J’étais persuadée que cet art était réservé aux hommes cisgenres ”

Plus tard, elle se penche sur Sasha Velour (gagnant.e de la 9ème saison de RPDR), artiste drag genderfluid*, ainsi que sur ses interviews et sa soirée Nightgowns – un évènement dédié aux drags, aux genres et ethnies différents. C’est cela qui l’a finalement décidée à franchir le pas, et à laisser s’exprimer une partie d’elle qui lui était difficile de montrer au quotidien.

À la Machine du Moulin Rouge, avril 2019. © @lxoniel (instagram)

La Méandre est enfin née. Inspirée par la période art déco, l’esthétique des années 30 à 50, les illustrations de George Barbier, d’Erté, ou encore du défilé Galliano automne 2009, son image est chic et distinguée. Elle décrit ce personnage comme “la petite poupée vintage que tu gardes précieusement; celle qui a une valeur sentimentale inestimable”. Une identité qu’elle assume fièrement, à coup de colliers de perles et vêtements de soie. Le vrai défi imposé reste la transformation.

La transformation

“Honnêtement c’est un challenge esthétique, surtout en ayant un personnage drag à l’apparence féminine”. Elle insiste : “Ce n’est pas juste « se féminiser », c’est retravailler entièrement son visage, son attitude, pour dissocier son Moi de son drag.”

Depuis 2018, La Méandre évolue, s’affirme, et expérimente. Le drag, pour elle, “c’est un moyen d’entrer en contact avec les gens, pouvoir leur transmettre mes émotions, autrement que par la parole”. Mais c’est aussi quelque chose qui l’aide au quotidien.

“C’est un moyen d’entrer en contact avec les gens, pouvoir leur transmettre mes émotions, autrement que par la parole”

Malgré tout, elle avoue s’être déjà sentie à part, surtout dans les soirées. Beaucoup adoptent une esthétique “plutôt trash, très sexualisée”; une vision qu’elle respecte, mais ne partage pas. “Ce n’est pas vraiment mon délire, mais ça reste un point de vue personnel. Le drag reste quand même un monde de la nuit, avec les consommations qu’il engendre.”

Des problèmes à soulever

Également, certains problèmes sont à soulever pendant ces soirées : les attouchements sont communs. “On m’a déjà touché la poitrine sans consentement (par une drag d’ailleurs…). C’est quelque chose qui arrive à beaucoup d’entre nous, qu’importe notre genre.”.

Diva pour la House of Moda, septembre 2019. © Sébastien Dolidon

Même s’il reste de nombreuses choses à changer – notamment les problèmes de visibilité que rencontrent les artistes sortant du ‘traditionnel’ -, il faut encourager ses artistes locaux, et rester ouverts à toutes les expressions. L’esprit du drag reste la chose la plus importante.

“C’est avant tout un art, esthétique et performatif, qui vise à déconstruire le genre, et jouer avec pour se le réapproprier. C’est une relation que l’on a avec soi, avec son corps, et qu’on autorise le monde à voir. Et, bien sûr, le drag est politique.”

Envie de plus ? Voici le portrait de la drag queen Carmen Von Sheitan ou bien un article d’introduction au monde du drag. Vous pouvez aussi retrouver La Méandre sur son Instagram : @la_meandre

* identité de genre qui sort des codes de la binarité (homme ou femme), qui fluctue entre les 2.

Léa Dutertre