Une conférence pour parler des violences sexistes et sexuelles

Crédits photo : Loïs Hamard et Valentine Mallet

Mardi 25 janvier, le grand amphithéâtre de l’ESJ s’est rempli : ce soir c’est conférence ! Animée par Clara Lainé & Tom Soriano, cette assemblée est le fruit d’un long travail en partenariat avec l’ESJ. Pas moins de quatre intervenants ont été réunis : Déborah Diallo (avocate), Frédérique Warembourg (psychiatre), Guillemette Stevens (sexologue) et Nicolas Gaud (pédopsychiatre). Au programme de cette présentation, les intervenants ont tracé les contours d’un problème de taille : les violences sexistes et sexuelles (VSS) et leurs impacts psychologiques.

Cette conférence a mis plus d’un an à voir le jour. Avec Tova Bach, présidente d’Oser Dire Non (ODN), en tête de projet. ODN est une association de prévention et d’information contre les violences sexuelles, psychiques et physiques. Elle a été créée en février 2020, par Tova Bach et Marthe Dolphin, étudiantes de l’Académie ESJ. Étant également un espace d’accueil et d’échange, la conférence est dans la droite ligne de l’association.

La banalisation des VSS

Un constat ouvre la discussion : le terme de VSS est de plus en plus utilisé dans les médias et par le grand public. Les VSS (harcèlements, agressions, viol…) sont des actes (comportement ou langage) imposés par une personne sur une autre en raison de son sexe, de sa condition. Ces violences sont un ensemble de ce que l’on subit au quotidien, tout le temps, partout et qui ramène une personne à son genre et à son corps. Devenues banales, les VSS ont été intégrées comme un passage obligé dans la vie. Les femmes et les membres de la communauté LBGTQIA+ sont statistiquement plus touchés. “Il faut retrouver un dialogue entre les sexes”, assure Guillemette Stevens.

Frédérique Warembourg, psychiatre au CHU de Lille, explique l’impact psychologique des VSS, le syndrome post-traumatique : “C’est un événement brutal et inattendu, une sensation de mort imminente mélangé à l’incapacité de discernement, la victime est sidérée”. Une victime de VSS va entrer malgré elle dans une temporalité particulière, provoquant deux sortes de stress : le stress adapté, lié à l’instinct de survie et le stress dépassé qui, lui, va mener à une perte de discernement, une incapacité à raisonner et à agir. “C’est une sorte d’anesthésie émotionnelle où la victime va perdre le fil de sa vie”, décrit Frédérique Warembourg. Le syndrome post-traumatique reste tabou ou méconnu, et c’est en grande partie dû à la banalisation commune, faisant régner la culture du viol dans la société.

Les clichés et la vision des autres vont peser sur les épaules de la victime, jusqu’à s’imprimer dans sa tête, créant une honte sociale. L’absence ou un entourage négatif est un « gros facteur de risque », selon Guillemette Stevens. La victime est alors fragilisée par cet événement hors du temps, hors de sa vie.

Les VSS au sein des couples

La question des VSS chez les couples et notamment les couples de mineurs est délicate. Ces violences sont rarement évoquées puisqu’il est communément accepté que les enfants oublient et que les couples s’aiment. Pourtant « ces VSS ont un gros impact, car plus un être est jeune, plus il est à risque de développer des conséquences psycho-traumatiques », souligne Nicolas Gaud, pédopsychiatre.

Le partenaire d’une personne qui a été victime de VSS est souvent dépeint comme un héros. Celui ou celle qui va être à l’écoute, patient et ouvert à la communication est vu comme quelqu’un d’idéal, d’hors du commun, « alors que la patience et l’écoute sont la base d’un couple », rappelle Guillemette Stevens. Il arrive de jouir pendant un viol, ce qui va imprimer l’idée d’un plaisir négatif chez la victime.

Crédit : Oser Dire Non

La majorité des VSS chez les enfants sont perpétuées par l’entourage proche. Le caractère incontrôlable des VSS entraîne une peur permanente et une perte de confiance chez l’enfant.

Pour ce qui est de l’adolescent, plus à même de dissocier, cela entraîne des conséquences sur le comportement et la santé, comme le développement de conduites à risque. D’autant plus que les VSS étant banalisées, les victimes mettent du temps à prendre conscience de leur situation.

Faille de la justice ?

La représentation des VSS reste très genrée. Les rôles familiaux sont encore assez rigides, avec la constitution d’un « clivage entre les forts et les faibles, les enfants et les parents, les femmes et les hommes ». Même si ces représentations tendent à évoluer, elles illustrent le joug de la culture du viol et sont le berceau de potentiels VSS. Il y a une nécessité d’éduquer et de communiquer autour de ce sujet encore tabou et méconnu. La sexualité humaine n’est qu’un conditionnement, un apprentissage. Il y a une différence entre le désir, l’envie et le consentement. Les mots et la communication sont essentiels.

Dans le code pénal, le viol est défini comme : “Tout acte de pénétration sexuelle ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. » Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle, cela constitue donc un crime, l’une des infractions les plus graves. L’agression sexuelle est qualifiée de la même façon, sans acte de pénétration. Une nouvelle loi est apparue courant 2021 : la présomption de non-consentement.

« Un procès pour un viol coûte cher et dure plusieurs années », explique Déborah Diallo. Surtout que le système judiciaire souffre d’un manque de moyen depuis plusieurs années : de la formation des policiers à celle des magistrats, en passant par l’accompagnement des victimes, le système fait face à de nombreuses failles qui jouent en défaveur des victimes.

Des associations à connaître : 

Comment porter plainte lorsqu’on est victime ?
Déborah Diallo recommande de passer par un avocat, même si ce n’est pas obligatoire. Cela permet de se constituer partie civile (certificats médicaux, psychologiques, suivi plus personnalisé) . Il est possible d’aller directement au commissariat. L’important est de s’entourer et de faire un examen médical au plus vite afin d’attester l’agression.
Si l’agression a eu lieu à l’étranger, il est dans l’intérêt de la victime de porter plainte également en France. Un système d’entraide et de coopération existe entre parquetiers de différents pays.

Tatiana Stringat et Angèle Truchot

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